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Qu’on ne s’y trompe pas : les pluies abondantes qui ont arrosé la Provence en mai et juin n’ont pas restauré les nappes phréatiques pour aborder l’été sereinement. Le territoire n’échappera pas à des arrêtés sécheresse et à des mesures de restriction de consommation.
Soucieuse de sensibiliser les TPE-PME à cette « Urgence Eau » qui peut impacter leur activité ou leur filière (chimie, agro-alimentaire, métallurgie, stations de lavage, installateurs de piscines, golfs…), la CCIAMP a rassemblé ce 14 juin une quinzaine d’experts pour expliciter les aspects réglementaires, détailler leurs initiatives ou exprimer leurs craintes, idées et solutions.
Pour Olivier Cèbe, membre associé de la CCIAMP, « plusieurs départements ont déjà atteint ou franchi le niveau de crise, les nappes souffrent et la ressource a diminué de 14% en 20 ans. L’or bleu peut être source de conflits d’usages qu’il importe d’aborder et résoudre sans stigmatiser personne. La plupart des TPE-PME ne sont pas prêtes pour une sobriété de consommation alors que l’eau entre dans leurs processus de production. La CCIAMP se veut un appui et un relais pour les inciter à mieux préserver l’eau et la réutiliser ».
Nicolas Roche, professeur à Aix-Marseille-Université, a présenté des statistiques sur l’aggravation de la disponibilité de la ressource. A ses yeux, une prise de conscience s’installe, les collectivités accentuent leurs actions pour traquer les fuites sur les réseaux ou recréer une « ville éponge » en revégétalisant des espaces artificialisés. Outre l’indispensable sobriété, la réutilisation des eaux usées doit devenir une priorité. « Un mètre cube d’eau réutilisée, c’est un mètre cube non prélevé, dit-il. Et si on économise 20%, on gagne 30 ans de plus de préservation de la ressource. Il importe de faire du sur-mesure par territoire ».
Au nom de l’Unicem qui représente les industriels des carrières et matériaux, Marie-Josée Zorpi, rappelle que construire exige de l’eau de l’amont à l’aval : dans les carrières pour arroser les terrains afin d’éviter la dispersion de poussières, pour entretenir les espaces, pour nettoyer les véhicules… « La production d’un seul m3 de béton nécessite 350 litres d’eau. Chaque site connaît bien sa consommation d’eau, mais toutes celles liées aux divers usages ne sont pas évaluées » note-t-elle. L’Unicem va diffuser un « guide des bonnes pratiques ». Les investissements pour ajuster les prélèvements impliqueront du temps...
Dans l’immédiat, les réglementations ne vont pas s’assouplir. « En moyenne dans les Bouches-du-Rhône, le déficit est de 40%. Il faudrait réduire de 20 à 40% les usages. Nous sommes vraiment sur une gestion de crise » souligne Charles Vergobbi, directeur adjoint de la DDT 13. Des « fiches de vulgarisation » sont disponibles pour informer les différents secteurs d’activités sur leurs obligations.
Pour Serge Planchon, chef adjoint de l’unité ICPE au service « prévention des risques » de la Dreal, les « installations classées pour l’environnement » vont devoir élaborer un « Plan de Sobriété Hydrique », inventoriant leurs actions passées et projetées pour économiser l’eau. Ce plan pourra leur valoir des adaptations, dans les situations critiques.
Des entreprises ont pris les choses en mains. Binta Boy, responsable des relations institutionnelles d’ArcelorMittal Méditerranée qui recouvre les usines de Fos-sur-Mer et de Saint-Chély-d’Apcher en Lozère, a relaté comment cette dernière, spécialisée dans les aciers pour l’électromobilité, a diminué de 60% en 15 ans sa consommation d’eau. Ces efforts ne l’ont pas empêchée de subir une fermeture de dix jours en 2022 à cause de la sécheresse. « Nous avons donc investi cette année sur un stockage temporaire d’eau, sur un système de refroidissement du laminoir... Nous réfléchissons avec tous les acteurs locaux sur des retenues d’eau collinaires à vocation de stockage collectif ».
Aux Pennes-Mirabeau, l’usine Coca-Cola Europacific Partners fabrique et embouteille ses sodas en canettes, bouteilles plastiques ou verre. « L’eau est notre principal ingrédient. Pour 1 litre de boisson, il faut 1,3 litre d’eau en moyenne, explique Laurence Mani, senior manager QESH. Nous avons réduit notre consommation de 8% entre 2010 et 2022, grâce à des technologies plus économes, de nouvelles installations de nettoyage ou de récupération des eaux… On a aussi beaucoup sensibilisé les équipes ».
Pointée dans les médias et par des politiques, le monde de la piscine juge le procès injuste : l’eau des bassins, en premier remplissage, ne représente que 0,15% de la consommation totale. « Interdire de remplir des piscines, c’est interdire à des professionnels de travailler, s’insurge Philippe Pasquier, PDG de Léa Composites à Aubagne. On ne comprend pas cet acharnement, d’autant plus que couvrir sa piscine ou opter pour des filtres à cartouche plutôt que des filtres à sable réduit la consommation. Nous responsabilisons les propriétaires aux bons gestes ».
Pour les TPE-PME, une nouvelle charge se profile, même si Fabienne Fournet-Beraud, directrice régionale adjointe de la Dreets PACA, admet que la dizaine de sites de la région les plus consommateurs sera prioritairement ciblée pour qu’ils entament une trajectoire vertueuse. Pour les autres, le volet eau du Plan France 2030 ou le FNE Formation peuvent aider à accompagner les mutations. « L’eau est un enjeu de performance environnementale mais aussi industrielle » insiste-t-elle, l’un ne pouvant se réaliser au détriment de l’autre.
La CCIAMP propose divers dispositifs, à l’image d’Auto Diag Eau, diagnostic gratuit en 16 questions pour évaluer sa consommation, ses impacts et ses leviers d’action ou Ecod’O, un programme opérationnel d’optimisation. « Nous pouvons aussi aider au montage et au dépôt de dossiers pour obtenir des financements » indique Véronique Laures, responsable Offre de la Chambre.
L’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse dispose d’un panel d’aides financières, en fonction de la taille des projets (renouvellement d’ouvrages, réutilisation des eaux traitées…). « Sauf à avoir déjà subi une mise en demeure » avertit François Roberi, référent industrie de la délégation PACA-Corse. Si Roland Giberti, maire de Gémenos et vice-président délégué de la Métropole Aix-Marseille-Provence réclame d’élargir le regard « à l’origine de l’eau, pas seulement à la logique de bassin versant », la collectivité accélère son évolution, comme en témoigne Nathalie Perrin, directrice du pôle Protection Cycle de l’eau. « La sécurisation passe par des maillages, des modernisations, des améliorations, des extensions » glisse-t-elle.
Directeur du Développement de la Société des Eaux de Marseille, Pascal Laurens évoque la dissémination de capteurs intelligents pour ajuster l’arrosage, la mobilisation de chiens dressés pour détecter des fuites sur des réseaux isolés ou le projet de réutilisation d’eaux de lavage mené avec Aix-Marseille Université sur le site de La Ciotat du fabricant de canettes Ardagh. « De nombreuses technologies sont matures, nous pouvons travailler ensemble à faire de notre région un territoire pilote ».
La Société du Canal de Provence innove également pour sécuriser les usages. « Il existe des outils pour faire des économies, stocker, piloter au plus juste » affirme Benoit Moreau, directeur du développement, convaincu que notre région peut gagner ce défi de la sobriété. La CCIAMP prévoit une nouvelle réunion en octobre dans le même esprit de dialogue et partage de conseils et bonnes pratiques. Avec le retour d’expérience de l’été…
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Contribution :
La CCIAMP a apporté sa contribution sur le projet d’arrêté cadre interdépartemental relatif à la gestion et à la préservation de la ressource en eau en période d’étiage sur les axes de la Durance, du Verdon et de la Siagne, soumis à consultation du public :
La CCIAMP s’est prononcée sur le projet d’arrêté préfectoral interdépartemental fixant, en période de sécheresse, le cadre des mesures de gestion et de préservation de la ressource en eau sur les axes de la Durance, du Verdon et de la Siagne pour assurer une meilleure coordination des restrictions d’usage de l’eau sur ces grands axes.
Si l’enjeu est prioritairement sanitaire, il revêt aussi une grande dimension économique. L’eau est une ressource indispensable pour de nombreuses activités économiques (production, nettoyage, refroidissement…). Sa raréfaction et les mesures de restriction de son usage ont donc des impacts directs auprès des entreprises.
Dans sa contribution, la CCIAMP souligne l’impact de ce projet d’arrêté sur les entreprises locales, en particulier celles qui dépendent de l’eau pour leur activité. Elle a identifié des points clés qui méritent une attention particulière, notamment la nécessité de renforcer la communication pédagogique des mesures de restriction pour en faciliter la compréhension et l’application, ainsi que de préciser leurs modalités de déclenchement. Elle a également mis en avant la nécessité d’évaluer l’impact économique des mesures de restriction sur les entreprises locales pour en mesurer les effets sur les activités et proposer des solutions pratiques et innovantes.
La CCIAMP est convaincue qu’une gestion durable de l’eau peut créer de nouvelles opportunités économiques. En mettant en place des pratiques économes en eau et en développant des technologies innovantes pour la gestion de l’eau, les entreprises peuvent réduire leurs coûts, améliorer leur efficacité et renforcer leur compétitivité.
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