« Il est communément admis qu’on ne gère bien que ce que l’on mesure » pose Éric Elkaïm, le cofondateur avec Sylvain Henry en 2009 d’Avenir Développement Durable (ADD), entreprise marseillaise plus connue sous son identité commerciale AlertGasoil®. En matière de jauge, l’homme est plutôt expert puisque la technologie à la croisée du big data et de l’objet connecté que sa société a développée apparaît comme un fin limier du volume de carburant en réservoir des poids lourds. « Nous sommes partis d’une réalité : le siphonage de carburant. Nous avons donc d’abord pensé à développer un outil de lutte contre le vol mais cette application ne représente plus aujourd’hui que 20 % de la valeur ajoutée de notre solution », rappelle le dirigeant, qui ne paraît pas lassé de raconter la belle histoire de cette petite pépite qui a la faveur des médias et … des ministres (la secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire, lors de sa dernière tournée minutée sur le territoire, s’était attardée au sein de l’entreprise).
Promesse : 3 % de marge supplémentaire
Depuis la création de l’entreprise, la technologie de télématique embarquée, fruit de plusieurs années de R&D et protégée par des brevets couvrant 78 pays, a essaimé ses usages et trouvé un business model adressant bien d’autres applications : un appareil de contrôle et de surveillance multiservices qui contrôle et mesure le stock de carburant en temps réel. « Jusqu’à présent, l’élément carburant était estimé. Il est maintenant mesuré grâce au stock. Et cette mesure est capitale puisque le stock représente 30 % des charges de l’entreprise. Prenons l’exemple d’un poids lourd que nous avons tracé en janvier : le véhicule a parcouru 13 888 km en un mois. Il a consommé 40 l/100, a procédé à 13 remplissages, soit une distance inter plein à 1 268 km alors qu’il a brulé au total 5 160 l. C’est dire qu’à chaque fois qu’il a chargé, il était à 57 % de sa capacité. Cette consommation inutile, c’est du gasoil qui dort dans les réservoirs et donc de la trésorerie en sommeil. On peut l’estimer très précisément à 141€ , auxquels il faut ajouter 81,25€ de temps de travail lié aux nombreux arrêts. Le poids lourd aurait du réaliser réellement trois remplissages. Le résultat est, lui aussi, assez simple : 10 % gagnés facilement sur la consommation de carburant, c’est 3 % de marge supplémentaire pour une entreprise qui serait équipée de notre système d’alerte. »
39 €/mois pour un abonnement de 48 mois
Moyennant un coût de 39 €/mois pour un abonnement de 48 mois, l’entreprise vend un système plug & play qui collecte en continu et temps réel des (milliards de) données du réservoir, couplées à des capteurs de fonctionnement du véhicule et à des informations GPS. Multiservices, l’indic technologique assure plusieurs fonctions, énumère l’argumentaire commercial : il alerte immédiatement en cas de vol (email, SMS), fournit une cartographie complète du flagrant délit (qui, où, comment), assure indirectement une fonction anti-gaspillage de carburant et de C02 (les deux sont indissociablement liés), un suivi de consommation par chauffeur, par véhicule et par stock, un reporting des pleins, un monitoring de toute l’activité du véhicule via ses 960 relevés quotidiens...
5 000 réservoirs connectés
Le « stéthoscope » embarqué au cœur du réservoir, outil de contrôle universel, est connecté à ce jour à 5 000 réservoirs. Selon l’ACEA, Association des constructeurs européens d'automobiles, il y aurait 7,5 millions de poids lourds en circulation sur le territoire européen. Mais le spécialiste de la mécanique des fluides, qui cible actuellement les propriétaires de flotte, « peut intéresser de nombreux domaines : exploitation minière, le ferroviaire, le froid… », précise le dirigeant, dont les équipes de R&D (50 % des effectifs) planchent actuellement sur le groupe électrogène.
Gérer la croissance
Comme pour toutes les jeunes entreprises à la technologie innovante, Avenir Développement Durable est prise dans une folle course de vitesse : garder le leadership sur la R&D, élargir ses marchés, damer le pion à la concurrence et gérer sa « fabuleuse » croissance (son chiffre d’affaires est passé de 1,5 M€ en 2013 à 2,9 M€ en 2014). À cet égard, 2015 sera déterminante : « c’est une année durant laquelle nous allons structurer l’entreprise pour aller à l’international. Pour croître bien, il faut commencer par staffer par le haut ». L’entreprise, qui compte déjà une trentaine d’emplois, a recruté 7 personnes depuis le début de l’année et prévoit une quinzaine d’embauches supplémentaires d’ici la fin de l’année : « nous avons besoin d’ingénieurs informatiques (langage dotnet et sql) confirmés, de personnes pour le marketing, le commercial, le poste client et la qualité ».
Levée de fonds
Le dirigeant, qui a déjà fait entrer au capital en 2012 le holding éditeur de « L'Argus Auto » à hauteur de 30 %, ne pourra pas faire l’économie d’un nouveau roadshow pour financer notamment sa stratégie à l’international. L’entreprise projette d’ouvrir une filiale au Maroc, un bureau au Royaume Uni et de se positionner au sein du French Tech Hub de la France à New York, filiale de Paris Région Entreprises conçue pour être l’accélérateur de croissance des PME françaises aux États-Unis. Avant, l’éditeur procèdera à son troisième déménagement, quittant ses 250 m2 étroits du pôle média de la Belle de mai pour 700 m2 sur la ZAC de la Capelette.
Photo : Éric Elkaïm, cofondateur d’Avenir Développement Durable.